Présentation des mesures de protection juridique
Par Gilles Raoul-Cormeil, Professeur de droit privé et sciences criminelles à la Faculté de droit de Caen, Directeur du Master Protection des personnes vulnérables
LA FAMILLE, LE MÉDECIN ET LE JUGE
En l’absence d’anticipation (mandat de protection future), la mesure ne peut être prononcée que par un juge de l’ordre judiciaire, gardien des libertés individuelles (Constitution, art. 66). Le ministère d’un avocat n’est pas obligatoire. Est compétent le juge des tutelles des majeurs dans le ressort duquel l’intéressé a sa résidence habituelle (CPC, art. 1211). Cette fonction est exercée par le juge des contentieux de la protection dans un tribunal judiciaire. Ce juge ne peut pas s’auto-saisir à la suite d’un signalement. En revanche, il peut être saisi par l’intéressé, les membres de sa famille ou, en cas de signalement d’une banque ou d’un élu de la République, par le procureur de la République (C. civ., art. 430). Le requérant peut utiliser le document CERFA (15891*03) ou indiquer, sur papier libre, tous les éléments d’information sur la situation personnelle, familiale, sociale et patrimoniale de la personne à protéger. Le juge doit être parfaitement informé pour déterminer la nature de la mesure adaptée à l’état et à la situation de la personne à protéger.
LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX
Le juge n’est pas valablement saisi si la requête n’est pas accompagnée d’un document prouvant l’identité de l’intéressé (extrait de l’acte de naissance, livret de famille, copie de la CNI) et d’un certificat médical circonstancié (CPC, art. 1218). Seul un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République est habilité pour constater médicalement l’altération des facultés personnelles. Si elle concerne les facultés mentales, cette altération peut être légère, moyenne ou lourde. Si elle concerne les facultés corporelles, cette altération doit empêcher l’intéressé d’exprimer sa volonté. En cas de refus de l’intéressé de se faire examiner par le médecin inscrit, le certificat médical peut être établi en requérant l’avis du médecin traitant (C. civ., art. 431 ; Cass., 1e civ., 20 avril 2017, n°16-17.672).
L’ANALYSE DE LA REQUÊTE
Le juge procède à des auditions (en principe, la personne à protéger ; le requérant ; d’autres personnes de son entourage). Il peut procéder à une mesure d’instruction si les informations sont insuffisantes. Le juge doit caractériser le besoin de protection. L’analyse médicale est complétée d’une analyse juridique. Les procurations peuvent retarder l’ouverture d’une mesure de protection juridique, comme la modification du régime matrimonial par l’octroi d’un pouvoir de représentation à l’époux diligent d’un conjoint vulnérable (C. civ., art. 219 ; CPC, art. 1289-1).
LA MESURE, SA NATURE ET SA DURÉE
Lorsque les éléments sont suffisants, le juge choisi la mesure. La sauvegarde de justice répond à une situation provisoire (un an). Le juge peut désigner un mandataire spécial et lui octroyer un pouvoir de représentation pour des actes en particulier (gérer le compte bancaire pour payer des dettes et percevoir des revenus ; vendre un bien…). Le juge peut prendre une mesure pérenne (cinq ou dix ans). Si la vulnérabilité de la personne ne la prive pas de manifester sa volonté, le juge choisit une mesure d’assistance (curatelle ou habilitation familiale par assistance). Ainsi le protecteur ne peut pas, en principe, représenter l’intéressé. Le juge peut prendre une mesure de représentation (tutelle ou habilitation familiale par représentation). L’autonomie du majeur protégé est alors réduite, pour ses biens, à des actes usuels. Lorsque le contrôle n’est pas effectué par l’intéressé, c’est le juge qui sollicite des autorisations pour les actes les plus graves (disposition du logement, donations). La mesure peut prendre fin à tout moment par une décision judiciaire de mainlevée ; elle peut aussi être révisée ou renouvelée pour vingt ans au maximum.
LE PROTECTEUR
En vertu du principe de préférence et de solidarité familiale, le protecteur est choisi parmi les membres de la famille proche de l’intéressé. À défaut, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) est désigné. Le juge peut choisir plusieurs protecteurs (cotuteurs, cocurateurs, personnes cohabilitées). Le juge peut désigner un protecteur aux biens et un autre à la personne. L’articulation des pouvoirs varie selon la nature de la mesure (C. civ., art. 447).
L’INTÉRÊT DU MAJEUR PROTÉGÉ
La mesure de protection juridique est complètement focalisée sur l’intérêt du sujet protégé. Bien sûr, la personne protégée peut, le cas échéant, être un débiteur et un obligé familial. Mais ses biens ne doivent pas être gérés dans l’intérêt de ses éventuels héritiers. La tutelle ne doit pas être une pré-succession ! Lorsque le protecteur est en opposition d’intérêts, il doit se faire remplacer par un subrogé curateur ou tuteur ou saisir le juge. Sa faute est susceptible de l’exposer à des sanctions civiles (nullité de l’acte juridique, responsabilité civile).